Depuis plusieurs années, l’informatique quantique est au cœur des recherches scientifiques et technologiques les plus avancées. Promettant des capacités de calcul bien au-delà de celles des supercalculateurs actuels, cette technologie révolutionnaire fait face à de nombreux défis. L’un des principaux obstacles est lié aux erreurs inhérentes aux qubits, ces unités fondamentales des ordinateurs quantiques. Cependant, Google a récemment franchi une étape décisive avec Willow, un processeur quantique capable de surmonter ces limites. Cette avancée pourrait changer la donne en rapprochant l’informatique quantique d’applications pratiques et concrètes.

Qu’est-ce que l’informatique quantique ?

L’informatique classique repose sur des bits qui représentent des états binaires : 0 ou 1. L’informatique quantique utilise en revanche des qubits (ou bits quantiques) qui peuvent exister dans plusieurs états simultanément grâce à deux propriétés fondamentales de la physique quantique : la superposition et l’intrication. Cette capacité permet aux ordinateurs quantiques de réaliser des calculs massivement parallèles, ce qui ouvre des perspectives inédites pour résoudre des problèmes complexes.

Cependant, ces qubits sont également extrêmement fragiles. Ils sont sujets à des erreurs fréquentes, car ils interagissent facilement avec leur environnement, ce qui perturbe ainsi leurs états quantiques. Cette fragilité rend leur utilisation difficile sur de longues périodes ou à grande échelle, ce qui limite leur potentiel pratique.

Pour relever ce défi, les chercheurs ont développé la correction d’erreurs quantiques, un processus qui repose sur la création de qubits logiques. Ces derniers sont formés en combinant plusieurs qubits physiques, ce qui permet de détecter et de corriger les erreurs. Toutefois, jusqu’à récemment, aucune machine n’avait réussi à franchir un seuil critique où les erreurs diminuent de manière exponentielle à mesure que la machine grandit.

Willow : une révolution dans la correction des erreurs quantiques

Willow, le nouveau processeur quantique de Google, marque une avancée majeure en étant le premier au monde à franchir ce seuil, appelé seuil de correction des erreurs. Cette étape clé, prédite dès 1995 par le chercheur Peter Shor, est essentielle pour permettre à l’informatique quantique de devenir pratique et évolutive.

Pour y parvenir, le processeur utilise des qubits logiques où chaque qubit est codé par un réseau de qubits physiques. Cela signifie que si un qubit physique tombe en panne, les données restent protégées par le qubit logique. Google a également apporté des améliorations significatives à la technologie sous-jacente, notamment :

  • Des protocoles d’étalonnage améliorés pour réduire les erreurs initiales.
  • L’apprentissage automatique, utilisé pour identifier et corriger les sources d’erreurs.
  • Des temps de cohérence accrus, ce qui prolonge la durée pendant laquelle les qubits restent dans un état utilisable.

Grâce à ces avancées, Willow a démontré une capacité unique à réduire les erreurs de manière exponentielle lorsque de nouveaux qubits sont ajoutés. Cela ouvre ainsi la voie à la construction d’ordinateurs quantiques beaucoup plus grands et fiables.

Des performances impressionnantes

Lors de tests rigoureux, Willow a démontré sa puissance en effectuant en moins de cinq minutes un calcul qui aurait pris dix septilliards d’années au superordinateur le plus rapide. À titre de comparaison, ce temps dépasse largement l’âge estimé de l’Univers. Ces résultats impressionnants, obtenus grâce au test d’échantillonnage aléatoire de circuits (une méthode standard utilisée pour évaluer la performance des ordinateurs quantiques), soulignent donc le potentiel de Willow pour des applications qui restent hors de portée des technologies actuelles.

Le processeur affiche également des temps de cohérence d’environ 100 microsecondes (durée pendant laquelle les qubits peuvent maintenir leur état quantique sans être perturbés par l’environnement), soit cinq fois plus que la précédente puce quantique de Google, Sycamore. Cette amélioration significative a ainsi permis de réduire les taux d’erreurs logiques d’un facteur de 20, une étape essentielle pour que les ordinateurs quantiques surpassent les supercalculateurs traditionnels.

Vers un avenir plus proche des applications réelles

Au-delà de la démonstration de puissance, Willow ouvre la voie à des applications pratiques. L’objectif final est en effet de construire des ordinateurs quantiques capables de résoudre des problèmes réels plus rapidement et efficacement que les supercalculateurs actuels. Parmi les domaines potentiels, citons :

  • La simulation moléculaire, utilisée pour découvrir de nouveaux médicaments ou optimiser des matériaux.
  • L’optimisation des réseaux, utile pour les transports, la logistique ou les systèmes énergétiques.
  • La recherche fondamentale, avec des simulations quantiques qui permettront de mieux comprendre les lois de la physique.

Pour atteindre cet objectif, Google travaille donc sur la création de qubits logiques encore plus fiables, avec un taux d’erreur inférieur à un sur un million. Cela nécessitera de combiner environ 1 457 qubits physiques par qubit logique, une tâche qui dépendra de nouvelles avancées en correction d’erreurs et en ingénierie.